Une femme à nouveau aux commandes du gouvernement 


Son nom: Mari Kiviniemi. Elle sera, à 41 ans,  à la tête du gouvernement finlandais pendant les dix prochains mois. Le Parti du Centre, dont elle vient de remporter  la présidence, lui a confié un mandat convaincant. Malgré la perspective des prochaines élections, la politique gouvernementale ne devrait pas connaître de gros bouleversements, écrit Kyösti Karvonen, rédacteur  en chef du journal Kaleva.
 
Le 22 juin, tout juste deux jours avant le 7ième anniversaire de la fin dramatique du premier mandat de chef de gouvernement confié à une femme en Finlande, le parlement fera de Mari Kiviniemi la deuxième Finlandaise à accéder à ce poste.  
 
Anneli Jäätteenmäki n’exerça son mandat que pendant 69 jours avant de devoir démissionner à la suite d’un scandale politique sans précédent, qualifié dans son pays d’Iraqgate finlandais. Il est aisé de prédire que  Kiviniemi restera plus longtemps aux commandes mais pas nécessairement plus de dix mois, environ, c’est à dire jusqu’aux prochaines élections parlementaires, prévues en avril 2011.




Kiviniemi doit livrer une bataille de reconquête pour rétablir la popularité du Parti du Centre, historiquement faible dans les sondages. Si  les résultats du scrutin devaient confirmer la tendance actuelle, son parti obtiendrait tout juste un peu moins de 19% des suffrages, le score le plus bas du parti depuis quatre décennies. 
 
Un résultat aussi faible n’offrirait au Parti du Centre qu’un rôle de second plan dans le prochain gouvernement de coalition et il pourrait même courir le risque d’être relégué dans l’opposition. Toutefois, avec les nouvelles personnalités, vierges de tout scandale, élues à la tête du parti, il reste suffisamment de temps pour briser le cercle vicieux dans lequel il était plongé ces dernières années.
 
Avec Kiviniemi comme Premier ministre  et Madame Tarja Halonen comme Présidente de la République, la Finlande offrira un rare exemple d’égalité des genres dans le monde. Dans l’actuelle coalition gouvernementale, les portefeuilles sont également répartis entre les femmes et les hommes ; toutefois, parmi les ministres issus du Parti du Centre, les premières sont plus nombreuses que les seconds.




Une victoire convaincante, une douce revanche
 

Son élection à la tête de la principale formation de la coalition gouvernementale permettra à Kiviniemi d’accéder à la plus haute fonction dans la vie politique finlandaise. Elue lors du congrès de son parti, le 12 juin dernier, elle avait alors battu haut la main tous les vieux pontes de la direction du parti à l’exception d’un seul, défait lui aussi.

“J’ai honte d’être au Parti du Centre”, confessait une déléguée dans un discours, révélant en l’admettant la grave crise ressentie par la base.
 
La victoire de Kiviniemi est une douce revanche pour celle qui, il y a deux ans, avait été exclue de la direction du parti à l’issue d’un vote défavorable, alors qu’elle était vice-présidente de sa formation. A l’époque, le gros des troupes l’avait trouvée trop libérale.
 
La relève, au poste de Premier ministre, n’entraînera pas de bouleversements majeurs dans la politique gouvernementale. La coalition de quatre partis restera, en effet, au pouvoir jusqu’aux élections ; tout juste verra-t-on, peut-être, des ajustements mineurs au programme gouvernemental.
 
L’actuel Premier ministre  Matti Vanhanen a encore représenté la Finlande au tout récent Sommet européen avant de  quitter son poste, après avoir exercé, pendant sept ans, les fonctions de Premier ministre. Sous sa présidence, le Parti du Centre n’a fait bonne figure dans aucune élection ; le feu des critiques ne l’a pas épargné et les prétendues irrégularités au niveau du financement électoral lui ont valu d’être scruté à la loupe.





De plus, le rôle personnel joué par le Premier ministre  sortant dans le scandale financier n’est toujours pas clarifié. Jugeant insuffisant le rapport initial de Vanhanen, le chancelier de la justice Jaakko Jonkka (le plus haut magistrat du pays)  a récemment invité celui-ci à clarifier davantage les raisons pour lesquelles il ne s’est pas déclaré récusable lorsque le gouvernement a décidé d’attribuer une allocation à l’Association finlandaise des machines à sous, laquelle  finançait la Fondation pour la jeunesse . En 2006, cette organisation dirigée par le Centre avait, pour sa part, versé des fonds dans les coffres de la campagne présidentielle de Vanhanen.
 

La rotation éventuelle des portefeuilles donnera une première indication de la manière dont la nouvelle élue entend mener sa barque

Le premier signe révélateur de sa manière de gouverner apparaîtra lorsque Kiviniemi décidera d’une éventuelle rotation des portefeuilles détenus par le Parti du Centre dans l’actuel gouvernement ; si tant est qu’elle décide d’une telle rotation! En tant que cheffe de son parti, la prérogative de choisir les candidats ministériels du Parti du Centre lui revient.

Moins d’un an avant les élections, un certain nombre de députés lorgnent avec avidité vers des portefeuilles ministériels. Le Parti du Centre a pour habitude de procéder à une redistribution de portefeuilles même si, parfois, ce n’est que pour la galerie. Kiviniemi a toutefois indiqué qu’elle n’est pas favorable à une rotation pour le seul plaisir d’opérer une rotation.

Un changement, toutefois, est certain : Kiviniemi laisse vacant son poste de ministre des Collectivités locales.

Kiviniemi insiste néanmoins sur une chose : chaque ministre du Parti du Centre doit être candidat aux prochaines élections parlementaires. Ceci peut être interprété comme une gifle, tout particulièrement,  à Paavo Väyrynen ; âgé de 63 ans,  l’actuel ministre du Commerce et du Développement briguait aussi la présidence du parti.
 
Son faible score – moins de 300 voix sur environ 2.500 suffrages – au premier tour, fut une déception humiliante pour Väyrynen. Pour une raison ou pour une autre, celui-ci était convaincu d’avoir ses chances. Dans un mouvement d’humeur, il avait quitté le congrès  sans attendre le second tour ni félicité, dit-on,  Kiviniemi pour sa victoire. Revenant au congrès le lendemain, Väyrynen a insisté pour dire qu’il avait félicité les deux candidats restés en lice au second tour.



Le mouvement d’humeur de Väyrynen, jugé de mauvais goût, contrastait violemment avec l’attitude de l’actuel ministre de l’Economie Mauri Pekkarinen, battu au second tour : il avait obtenu 1.035 suffrages contre 1.357 pour  Kiviniemi. Pekkarinen a donné à cette dernière une franche accolade et lui a promis son soutien constant. « La bataille a été régulière, la meilleure a gagné » a déclaré Pekkarinen.


Révolution de l’œillet

La victoire annoncée de Kiviniemi est pratiquement devenue une certitude quelques jours avant le congrès, les pontes du parti lui apportant, l’un après l’autre, leur appui.
 
En conséquence, le duel le plus âpre fut livré pour savoir qui serait élu au poste de secrétaire général ; responsable de l’organisation du parti, celui-ci est également chargé de la campagne électorale et du financement.
 
Jarmo Korhonen,  l’encombrant secrétaire général en exercice a été battu à plates coutures. Jugé tyrannique, il était devenu une sorte de symbole du scandale lié au financement électoral dans lequel le Parti du Centre baigne depuis plusieurs années.
 
Les délégués au congrès lui ont préféré Timo Laatinen, 55 ans. Ce vétéran du parti et son éminence grise a remporté une victoire écrasante, éjectant littéralement Korhonen du poste que celui-ci occupait depuis quatre ans. « Au revoir ! Je rentre chez moi » a déclaré au congrès un Korhonen visiblement choqué.
 
Un œillet blanc au revers de sa veste, Laaninen a qualifié la sortie de Korhonen de révolution de l’œillet. « Sur le plan politique, le scandale lié au financement électoral appartient désormais au passé » a déclaré le nouvel élu, dans une interview  télévisée de la radiotélévision nationale YLE.







Madame Propre ou l’éloge de la modestie

 
Mari Kiviniemi, qui s’apprête à prendre les fonctions de Premier ministre, est, depuis plusieurs années, une figure familière des actualités sur le petit écran ; mais, pour le Finlandais moyen, elle reste plus ou moins une inconnue.

Une chose est sûre : contrairement au Premier ministre  et président sortant du Parti du Centre Matti Vanhanen, Kiviniemi n’a pas été éclaboussée par le scandale financier électoral qui entoure depuis plusieurs années son prédécesseur et son parti et s’invite presque quotidiennement.
 
C’est pourquoi Kivieniemi peut, facilement et fort justement, être qualifiée de Madame Propre. Durant la campagne électorale pour les parlementaires de 2007, celle-ci n’a pas reçu de dons provenant de milieux financiers douteux. Et contrairement à d’innombrables collègues de son parti, son nom n’a pas été mentionné dans l’avalanche de nouvelles touchant au financement de ce même parti.
 
Kiviniemi ne peut pas non plus être qualifiée de prototype de personnalité politique du Parti du Centre. Elle en a payé le prix, il y a deux ans, lors de son éviction de la direction de ce parti à l’issue d’un scrutin défavorable. En tant que ministre des Collectivités locales, Kiviniemi s’est vue reprocher de ne pas s’être suffisamment élevée contre les fusions de municipalités. Les petites collectivités locales sont des  bastions du pouvoir du Parti du Centre.
 
Bien qu’elle ait ses origines en milieu rural, Kiviniemi vit à Helsinki, la capitale. Elève brillante à l’école, Kiviniemi, qui joue aussi du piano et de la flûte, fait davantage penser à une femme d’affaires moderne qu’à une personnalité politique.





On peut considérer comme acquis que dans son rôle de chef de gouvernement, Kiviniemi  ne fera pas échouer le navire. Son véritable test aura lieu lors des prochaines élections parlementaires, prévues en avril 2011.

Kiviniemi aura pour objectif de faire en sorte que son parti reste la plus grande formation parlementaire ; plus facile à dire qu’à faire ! Ses aptitudes à débattre lors des interviews cruciales à la télévision doivent encore être testées.
 
Le charisme n’est pas le fort des personnalités politiques finlandaises.  Ce constat vaut aussi pour Kiviniemi : lors d’une apparition sur le petit  écran, à l’occasion d’une campagne, Kiviniemi a, le plus souvent, gardé le silence,  tandis que deux de ses rivaux monopolisaient le show.  Dans un sondage d’opinion organisé tout de suite après, c’est pourtant elle qui a recueilli le plus de suffrages.

Âgée de 41 ans seulement, Kiviniemi en est déjà à son quatrième mandat de députée ; elle est aussi une ministre expérimentée. Avant de siéger dans l’actuel gouvernement, elle fut brièvement ministre du Commerce extérieur et du Développement.
  
En plus de la musique et d’une visite mensuelle à l’opéra, Kiviniemi est aussi une sportive accomplie qui fait du jogging, du roller et du ski de fond.