Histoire des relations canado-finlandaises

1749–1920

Bien que la Finlande n’ait obtenu son indépendance que le 6 décembre 1917, des relations ont tôt vu le jour entre le Canada et la Finlande quand cette dernière faisait encore partie du royaume Finlande-Suède (1200-1809) et qu’elle était Grand-Duché autonome de Russie (1809-1917). Le contact le plus significatif et peut-être le premier a été fait par Pehr Calm, un explorateur, scientifique et botaniste qui a exploré la Nouvelle-France en 1749 et la région des chutes du Niagara en 1750, documentant soigneusement ses découvertes. Un autre contact, plus hostile celui-là, est survenu en 1838 quand Nils Gustaf von Schoultz est arrivé près de Prescott en Ontario menant une force d’invasion américaine de 190 hommes visant à « libérer » le Haut-Canada. Von Schoultz a été capturé et exécuté.

Des immigrants finlandais sont arrivés dans les années 1870 pour travailler sur les sites de construction de canal et de chemin de fer et plus tard dans les mines et les chantiers de bûcherons. Dans les années 1890, des communautés finlandaises se sont établies en Colombie-Britannique, dans les Prairies et en Ontario où les pionniers dégageaient des lots de colonisation, pêchaient, chassaient et trappaient. Puisqu’ils venaient d’un pays aux similarités géographiques et climatiques, les Finlandais avaient les capacités de s’adapter au milieu sauvage canadien. Les Finlandaises étaient très populaires pour exécuter les tâches de bonne, de femme de ménage et de cuisinière de chantiers de bûcherons.

À la fin des années 1890, le gouvernement canadien s’est investi dans le recrutement actif d’immigrants finlandais en distribuant des informations en Finlande et en commanditant une délégation de Finlandais hautement respectés lors d’une visite à travers le Canada pour sélectionner de grandes bandes de terre où les Finlandais, mécontents des politiques répressives de russification, pourraient s’installer en masse. Même si cette initiative n’a pas eu les résultats escomptés, les Finlandais ont continué à s’installer près des communautés finlandaises déjà établies. En 1901, la Colombie-Britannique a donné l’île de Malcom à un groupe de mineurs de charbon de l’île de Vancouver qui y ont établi une communauté socialiste utopique nommée Sointula. Cette communauté a eu la vie courte. Durant la Première Guerre mondiale, les Finlandais ont démontré leur loyauté envers le Canada en se portant volontaires pour combattre dans les Forces armées canadiennes, surtout avec le 94e bataillon et le 223e bataillon scandinave. Après la guerre, les nations alliées, incluant la Grande-Bretagne et ses dominions, ont reconnu l’indépendance de la Finlande lors du Conseil des ministres étrangers le 3 mai 1919.

1920–1938

Dans les années 1920, les communautés d’immigrants finlandais du Canada étaient bien structurées et avaient des réseaux de journaux, des sociétés d’entraide, des mouvements pour la sobriété, des congrégations, des clubs sociaux et sportifs et des coopératives. Les Finlandais universellement instruits participaient activement aux débats politiques et soutenaient fortement l’union canadienne et les mouvements de suffrage. En 1921, il y avait selon Recensement Canada, 21 494 personnes d’origine finlandaise vivant au Canada.

La Finlande nouvellement indépendante a reconnu l’importance d’avoir de bonnes relations avec le Canada et sa population grandissante d’immigrants finlandais. Le 23 janvier 1923, Akseli Rauanheimo (1923-1932) a été nommé Consul de Finlande au Canada et un consulat a vu le jour à Montréal. Ceci coïncidait avec la plus forte période d’immigration finlandaise au Canada. On immigrait maintenant aussi au Québec. Après que les États-Unis ont mis en place une législation limitant l’immigration en 1922, le nombre annuel d’immigrants finlandais au Canada est monté en flèche. Entre 1923 et 1930, près de 35 000 Finlandais ont émigré au Canada. Aidé de sa femme Betty Järnefelt-Rauanheimo, le Consul Rauanheimo a fait face au flot régulier d’immigrants ayant besoin d’aide. En 1925, le bureau est devenu un consul général et avant la fin de la décennie, a obtenu un vice-consul et du personnel administratif.

Rauanheimo était un homme exceptionnel; il était affectueusement appelé le « berger des immigrants finlandais». Il a réussi à convaincre les entreprises privées, particulièrement Canadian Pacific Railroad et la Mission des matelots en Finlande de donner des fonds pour établir une Résidence d’immigrants finlandais et une Mission de matelots à Montréal. En avril 1927, le Révérend F. Pennanen est arrivé de Finlande pour occuper les fonctions de pasteur au sein de la Mission des matelots. En septembre 1927, la Résidence d’immigrants finlandais a accepté ses premiers invités enregistrés. Pendant sa période la plus occupée, la résidence de 26 chambres a entassé de 5 à 6 lits par chambre pour permettre à des milliers d’immigrants de trouver refuge dans la résidence temporaire qui servait aussi de soupe populaire, de bureau d’emploi et d’endroit où les nouveaux arrivants ou immigrants itinérants pouvaient recevoir leur courrier.

L’établissement de deux gouvernements a soutenu des organisations ex-patriotiques en Finlande en 1927, ceci étant signalé par le désir de la Finlande d’avoir des contacts actifs et des échanges culturels avec les immigrants finlandais outremer. Après des débuts difficiles, la Société finlandaise a endossé la mission de servir de pont entre le Canada et la Finlande en organisant des visites culturelles, en fournissant de l’information fiable et positive sur la Finlande et en accueillant les anciens patriotes dans leur pays natal. Pour ceux émigrant de la Finlande au Canada, le livre d’information de Rauanheimo, Kanadan-Kirja (Le livre du Canada) (WSOY, 1930) constituait un guide d’une grande valeur. Betty Järnefelt-Rauanheimo a publié un recueil de nouvelles, Vierailla Veräjillä (Aux portes étranges) (WSOY, 1928). Les nouvelles faisaient le portrait des expériences réelles d’immigrants et peignaient le coût émotionnel de l’immigration. Le Canada a mis en place des politiques limitant l’immigration en 1931 et le flot d’immigration s’est renversé puisque plusieurs Finlandais au chômage sont repartis vers leur pays d’origine. La dépression a donné un dur coup aux communautés d’immigrants finlandais et Rauanheimo a sympathisé avec les affamés et les malades. Il a maintenu une correspondance active avec le gouvernement canadien, le priant de prendre la responsabilité des malades, blessés et affamés. Il a personnellement aidé plusieurs immigrants en détresse et était connu pour avoir donné son propre manteau à un immigrant. Après neuf années de service dévoué au Canada, le Consul général Rauanheimo est décédé. Malgré la dépression, les immigrants ont rassemblé leurs ressources pour ériger une pierre tombale avec l’épitaphe : « Akseli Rauanheimo – Le père des immigrants ».

Plusieurs des Finlandais de gauche qui sont restés au Canada ont participé aux démonstrations, aux marches de la faim et aux grèves. Ils ont soutenu les mouvements socialistes, particulièrement l’Organisation finlandaise au Canada (OFC) et son journal Vapaus. Leurs activités étaient surveillées et censurées par la GRC. Plusieurs Canadiens d’origine finlandaise, incluant des éditeurs, des chefs syndicaux et des individus ordinaires frappés par la pauvreté ont été déportés. L’OFC a été bannie en 1940, ses biens confisqués et ses salles fermées jusqu’en 1943 quand la décision a finalement été renversée.

Rauanheimo a été remplacé par Aaro Jalkanen (1932-1939). Celui-ci a rapporté qu’environ 10 000 personnes avaient visité le consulat en 1932 pour des questions relatives au passeport seulement. La même année, un manque de fonds a forcé la Résidence d’immigrants à fermer ses portes. Jalkanen a conclu qu’une de ses importantes missions au Canada était de soutenir les activités patriotiques et conservatrices des organisations d’anciens combattants de la guerre civile en Finlande, des Loyaux Finlandais au Canada et des congrégations luthériennes finlandaises en tant qu’alternatives au fort mouvement socialiste. Jalkanen a prononcé plusieurs discours patriotiques et a écrit les paroles de la chanson thème du mouvement patriotique « Isänmaan ääni » (Voix de la patrie). Les nouvelles organisations patriotiques ont établi de solides liens avec la société finlandaise. Ces réseaux ont été utilisés pour faire la promotion des Jeux olympiques de Helsinki en 1940. Des échanges culturels notables incluaient la Tournée de la chorale masculine Finlandia et les expositions finlandaises à Toronto et à Vancouver. Des politiciens et artistes ont aussi fait des tournées au Canada. L’impact de cet effort combiné a été une bien meilleure connaissance de la Finlande, de sa culture, de ses sports ainsi que de sa politique.

1938–

La planification enthousiaste des Olympiques a soudainement pris fin quand l’Union soviétique a attaqué la Finlande le 30 novembre 1939. Immédiatement, la guerre a fait les manchettes et l’opinion publique canadienne était largement en faveur de la « Galante Finlande ». Le 14 décembre 1939, l’Union soviétique a été expulsée de la Société des Nations, celle-ci ayant condamné les actions de l’URSS contre la république de Finlande. Cette déclaration a été suivie par des promesses d’aide militaire des Britanniques et des Alliés.

Environ 250 immigrants finlandais ont quitté le Canada pour défendre la Finlande et ont joint la Légion américaine. Initialement, la Loi canadienne sur l’enrôlement à l’étranger était un obstacle pour les citoyens canadiens désirant se porter volontaires pour la bataille entre « David et Goliath ». Pendant les trois mois et demi qui ont suivi, le Consulat général à Montréal, maintenant dirigé par K.F. Altio (1939-1941), et les sept consulats honorifiques ayant été établis au Canada, sont passés par des temps tumultueux en tentant d’organiser les passeports et les documents pour les volontaires canado-finlandais, cherchant des clarifications du gouvernement canadien sur sa position vis-à-vis des citoyens canadiens désirant combattre en Finlande. Les consulats ont transféré les biens et les fonds récoltés au Canada par les organisations d’aide finlandaises et du nouveau Fonds canadien d’aide présidé par le chef du Sénat du parti conservateur et ancien premier ministre du Canada, Arthur Meighen. Le Canada a annoncé le 1er mars 1940 que ses citoyens étaient libres de s’enrôler pour le service dans les forces armées finlandaises. Ceci a mené à la création d’une historique et unique « Petite armée de Finlande » au Canada. On a offert au colonel Hunter, député provincial de l’Ontario, les commandes des forces canadiennes et britanniques en Finlande. Le 9 mars 1940, le sénateur Meighan a envoyé un télégramme au président de la Finlande, Kyösti Kallio, disant que les amis de l’Ontario envoyaient plus de 2000 hommes immédiatement pour aider aux combats en Finlande. La petite armée de Finlande a été démantelée avant les combats tandis que l’armistice était prononcée quatre jours plus tard le 13 mars 1940. Les activités de l’Aide à la Finlande ont toutefois continué pendant une autre année.

Les relations entre le Canada et la Finlande se sont refroidies pendant le printemps et l’été 1941 parce que la coopération entre la Finlande et l’Allemagne – l’ennemie du Canada - a augmenté. Quelques jours après que l’Allemagne a attaqué l’Union soviétique, le 22 juin 1941, les Finlandais sont devenus les Alliés des Allemands se battant en Union soviétique. La délégation britannique à Helsinki qui s’occupait des intérêts canadiens en Finlande a pris fin le 1er août 1941. Une semaine plus tard, les Consulats finlandais au Canada ont été fermés et le Consul général K. Kuusamo (1941) est retourné en Finlande. Le 11 août 1941, le Consul général de Suède était nommé pour protéger les intérêts finlandais au Canada.

L’Union soviétique a fait des pressions sur l’Angleterre pour que celle-ci déclare la guerre à la Finlande. En retour, L’Angleterre a fait pression sur les états membres du Commonwealth pour la joindre dans sa déclaration de guerre. Au début, le Canada était réticent à déclarer la guerre à la Finlande. Finalement, le 6 décembre 1941, (le jour de l’indépendance de la Finlande), l’Angleterre a déclaré la guerre à la Finlande, suivie par le Canada un jour plus tard. Deux heures avant que la nouvelle de l’attaque de Pearl Harbour n’atteigne Ottawa, on a émis aux immigrants finlandais des certificats d’exemptions pour les protéger des traitements hostiles en tant qu’étrangers ennemis du Canada. Contrairement aux immigrants japonais, italiens et allemands, les citoyens devaient seulement fournir leurs empreintes digitales à la GRC. Quelques restrictions concernant leur mobilité et leur privilège de posséder des armes à feu ont été appliquées, le service de courrier et les transactions monétaires ont été stoppés et certains biens ont été confisqués et gardés par le Bureau du séquestre des biens ennemis. Pendant la durée de la guerre, les Canado-finlandais ont donné leur soutien entier à l’effort de guerre canadien en s’enrôlant dans les forces armées canadiennes, travaillant dans les industries de guerre et en recueillant des fonds.

L’Allemagne s’est rendue en mai 1945, commençant ainsi la normalisation des relations entre la Finlande et le Canada. L’obligation pour les Finlandais de s’enregistrer au Canada a été levée en septembre 1945 et en décembre, les petits envois d’aide en Finlande et le courrier vers la Finlande ont repris. Le traité de paix de Paris a été ratifié par le Parlement du Canda le 19 septembre 1947 et le statut d’ennemi de la Finlande a été levé. Les relations diplomatiques ont repris le 21 novembre 1947 et le 1er décembre 1947, la Finlande a nommé Urho Toivola (1948-1952) pour diriger la nouvelle Légation de Finlande à Ottawa. En 1952, ce poste a été repris par Hans Martola (1952-1954), suivi de Sigurd von Numers (1954-1959). En mars 1948, Le Bureau du séquestre des biens ennemis a remis tous les biens confisqués aux citoyens de Finlande à qui ils appartenaient. Une année plus tard, l’ambassadeur du Canada à Stockholm en Suède, Thomas Archibald “Tommy” Stone, a été nommé pour s’occuper des intérêts canadiens en Finlande.

La période d’après-guerre a connu un boom d’immigration de la Finlande au Canada et les bonnes relations qu’il y avait avant la guerre ont repris. Le tourisme a augmenté et au début de 1959, les exigences de visa ont été levées. En 1961, Recensement Canada rapportait qu’il y avait 59 436 personnes d’origine finlandaise au Canada. En 1960, la légation de Finlande au Canada est devenue une ambassade et Artturi Lehtinen (1959-1964) a été nommé Ambassadeur. Un an plus tard, le Canada a établi une ambassade à Helsinki dirigée par l’ambassadeur John Harrison Cleveland. Depuis, les relations entre les deux pays ont mené à des missions outremer combinées de l’ONU, des échanges athlétiques, artistiques, scientifiques et d’étudiants, une augmentation du commerce, des accords culturels, économiques, sociaux et politiques.
 

 

Article par Varpu Lindström (1948-2012), professeur d'histoire