Second tour de la présidentielle en Finlande – la favorite et l'outsider se mesurent

Si les positions semblent claires, à la veille du second tour de l'élection présidentielle finlandaise, la lutte entre la présidente sortante, Tarja Halonen, et Sauli Niinistö, Directeur adjoint de la BEI s'annonce serrée sinon âpre, écrit Kyösti Karvonen, chef de rédaction au journal Kaleva.

La répartition des rôles, au second tour de la présidentielle, le 29 janvier prochain, est on ne peut plus claire: largement vainqueur du premier tour, la présidente sortante et candidate de la gauche Tarja Halonen est favorite; Sauli Niinistö, arrivé en deuxième position au premier tour de scrutin, est outsider.

Le second tour, s'annonce néanmoins captivant et plus serré que ce que permettrait de penser le résultat du premier tour. Pour la première fois depuis longtemps, on devrait assister à un net regroupement des partis de gauche, d’un côté, et des non-socialistes, de l’autre, derrière leur candidat respectif. Une situation compliquée par le fait que l'élection présidentielle est plus une affaire de personne que de partis.

Après les 25 années de mandats présidentiels d’Urho Kekkonen, qui avaient pris fin en 1981, le candidat des sociaux-démocrates (SDP) a remporté chaque élection présidentielle. La continuité sociale-démocrate s'est pratiquement poursuivie tout aussi longtemps. À la Chambre, la gauche ne dispose que d'environ un tiers des sièges. Si Niinistö l'emporte, il sera le premier président de la République issu des rangs du Parti de Rassemblement (les Conservateurs) depuis J. K. Paasikivi, dont le mandat avait pris fin en 1956.

Le candidat qui réussira le mieux lors des face-à-face télévisés durant les deux semaines qui précèdent le second tour, et qui réussira le mieux à attirer dans son camp les électeurs qui avaient voté pour les autres candidats au premier tour de scrutin sera le vainqueur de ce duel. Les reports de voix des électeurs du Centre, grand perdant du premier tour, le vote des femmes et, peut-être, des jeunes, seront déterminants ; le taux de participation devrait également jouer.

Dès le début, la gauche a soutenu Tarja Halonen; il lui sera donc facile de se regrouper derrière la candidature de cette dernière. Aussi, l'interrogation majeure du second tour est-elle la suivante: les formations non-socialistes réussiront-elles, et dans quelle mesure, à rallier leurs partisans derrière la candidature de Niinistö? La présidentielle étant typiquement une élection de personnes, il est difficile de piloter les électeurs par des directives de vote ou par des recommandations. Les chefs de file des autres formations non-socialistes ont indiqué qu'ils voteront pour Niinistö; mais les partis n'ont pas pris de décisions formelles.

Il y a six, la précédente élection présidentielle avait été marquée par une tentative de constituer un front non-socialiste; mais le Parti de Rassemblement (en finnois Kokoomus), la droite conservatrice modérée, n’avait pas donné ouvertement son soutien au candidat centriste Esko Aho. Qualifié pour le second tour, il fut battu. Les Conservateurs n’avaient pas soutenu Esko Aho car le gouvernement non-socialiste conduit par celui-ci, dans les années 1990, avait été pour eux une expérience humiliante.









Baisse de popularité de Tarja Halonen

Candidate du Parti Social-Démocrate (SDP), de l’Alliance de Gauche, formation héritière des communistes, et de la SAK, la plus grande confédération syndicale, Madame Halonen avait, dès le premier tour, la possibilité d’inscrire son nom dans les annales en remportant, dès le premier tour, l’élection présidentielle au suffrage universel direct, ce qui aurait constitué une première dans l’histoire de la Finlande indépendante.

Il en a été autrement; en effet, la popularité de Madame Halonen baissa au moment décisif, durant la dernière semaine de la campagne. Surprise donc, car les derniers sondages, peu avant le scrutin, la donnaient gagnante. Dans les sondages, le taux de popularité de la présidente sortante s’était maintenu nettement au-dessus de 50% tout au long de la campagne. Ce taux, sans précédent dans l’histoire des présidentielles en Finlande, ne s’est finalement pas maintenu jusqu’au bout.

L’analyse des résultats indique que Tarja Halonen a manqué l’occasion de remporter une victoire rapide, dès le premier tour. Les causes: des erreurs d’estimation durant la campagne, des prestations tout au plus satisfaisantes sur le petit écran. Les sondages lui étant favorables, Halonen afficha son intention de gagner dès le premier tour. Les responsables de sa campagne avaient même invité les électeurs à se rassembler derrière sa candidature dès le premier tour, par souci, disaient-ils, d’économiser l’argent des contribuables.

Le premier tour de scrutin, par contre, a montré que l’écart entre les sondages et le résultat électoral peut être important. En plus des erreurs commises durant la campagne, il est apparu que le jour du scrutin proprement dit, une partie des électeurs qui affichaient leur soutien à Halonen dans les sondages a quand même voté autrement; en général, pour le candidat du parti qu’ils soutiennent. Le premier tour a également montré que les résultats du vote par correspondance et ceux du premier tour peuvent varier considérablement. Halonen a recueilli près de la moitié des suffrages exprimés lors du vote par correspondance; mais la proportion des voix obtenues par la présidente sortante a baissé, ne représentant plus que 44% des suffrages le jour du vote.

Malgré tout, le score de la présidente sortant – près de 1,4 millions de voix et plus de 46% des suffrages exprimés – est plus qu’honorable. Sans pour autant dépasser le record de 48%, établi par Madame Mauno Koivisto au premier tour de la présidentielle de 1988.

À elle seule, Halonen obtient plus de voix que les deux candidats suivants, le conservateur modéré Niinistö et le Premier ministre centriste Vanhanen. Le score de la présidente sortante est considérablement supérieur au résultat cumulé du SDP et de l’Alliance de Gauche aux dernières parlementaires.

Halonen recueille au moins la moitié des suffrages dans 15 circonscriptions électorales; dans une seule circonscription, son score reste inférieur à 40% des voix. Par rapport à l’élection présidentielle d’il y a six ans, c’est dans les circonscriptions situées hors de la région de la capitale, où les électeurs avaient été plus critiques à son égard lors de la précédente élection, que son score augmente le plus fortement. Dans les plus importantes circonscriptions, la capitale Helsinki et la région d’Uusimaa qui l’entoure, Halonen obtient environ 46% des voix. L’exception vient d’Helsinki, où son score est, cette fois, supérieur à celui d’il y a six ans.

Le sprint de Niinistö produit son effet

Le sprint le plus vigoureux du premier tour vient de Niinistö. Durant la campagne, les sondages lui promettaient environ 20% d’intentions de vote; finalement, il franchit la barre des 24%. Le fait que le candidat conservateur ait recueilli une proportion des suffrages plus élevée encore que dans le vote par correspondance est un indicateur de ce sprint final réussi. Son score est nettement supérieur au taux de popularité habituel du Parti de Rassemblement.

L’accession de Niinistö au rôle d’outsider et, d’une manière générale, au second tour décisif s’explique par le fait qu’il a su se poser en véritable alternative à Halonen. Le résultat de Niinistö est bon également parce que, durant sa campagne, il a su prendre des risques. Niinistö a indiqué, par exemple, que par l’effet d’un renforcement du pilier européen de l’Alliance Atlantique, la Finlande pourrait même, sous sa direction, adhérer à l’OTAN dans les deux ans à venir.

En 1999, Niinistö, qui exerce depuis deux ans, la fonction de directeur adjoint de la Banque européenne d’investissement (BEI) à Luxembourg, avait refusé au dernier moment, d’être le candidat de son parti. Cette fois, pourtant, Niinistö s’est pris au jeu, menant campagne tambour battant. Ceux qui, jusque là, voyaient en lui un personnage trop sérieux, à la mine sombre, lui ont découvert, durant la campagne, des traits humains.





















Vanhanen pris au piège

Dans les sondages, le Premier Ministre Vanhanen, candidat du Centre, était donné à égalité avec Niinistö dans la course au second tour; mais durant la dernière semaine de campagne, il est resté dans l’ombre de Halonen et de Niinistö. Au premier tour, Vanhanen n’a recueilli qu’un peu plus de 18% des voix, un nettement inférieur à celui que le Centre fait normalement aux élections.

Le plus humiliant, pour Vanhanen, est que Halonen surtout, mais aussi Niinistö ont réussi à prendre pied dans la campagne profonde, fief habituel du Centre, et dans les grandes villes de province. Dans les régions où le Centre fait normalement le plein des voix et recueille près de la moitié des suffrages, le score de Vanhanen s’est parfois limité à environ un tiers des suffrages exprimés. Selon des estimations, des électrices du Centre ont voté, dès le premier tour, pour Halonen tandis qu’une partie des électeurs centristes a choisi de voter pour Niinistö.

Le piètre score de Vanhanen a immédiatement lancé le débat: le Centre devrait-il remplacer son chef de file? Celui-ci essuie la seconde défaite électorale de son court mandat de président de ce parti. Vanhanen a mis fin à ce débat en annonçant immédiatement son désir de continuer à la tête de son parti. Ce dernier doit se donner une nouvelle direction l’été prochain.

Parmi les autres candidats, la plus grande surprise vient du chef de file des Finlandais de base (en finnois Perussuomalaiset), Timo Soini. Il recueille 3,5% des voix au premier tour, un score plusieurs fois supérieur à la popularité de son parti. Dans sa campagne, Soini a fait de l’opposition à l’UE et à l’OTAN son cheval de bataille. Il n’a donné à ses électeurs aucune consigne électorale pour le second tour.

Quant à la candidate des Verts, Heidi Hautala, sa campagne a été généralement considérée comme une des meilleures, mais son score plafonne à environ 3,5%. Aux élections, les Verts font d’habitude un score plus de deux fois supérieur; on estime donc que ceux-ci ont voté directement pour Halonen, dès le premier tour. Dans ce scrutin, les autres petits candidats, le chrétien-démocrate Bjarne Kallis, le candidat du Parti populaire suédois (RKP) Henrik Lax et le non-aligné Arto Lahti n’ont recueilli que des miettes.