Tekes, Agence finlandaise pour la technologie et l'innovation
mais qu'y a-t-il de commun entre Tekes, un aventurier de l'extrême et un danseur professionnel ?
« C'est toujours la créativité qui est à l'origine des innovations. On trouve des contenus créatifs dans tous les secteurs d'activité, et ces contenus sont également présents depuis des années dans les différents projets que finance Tekes; mais aujourd'hui, Tekes souhaite avoir un rôle plus actif encore s'agissant du développement de la production de contenus, y compris sur des créneaux qui ne nous étaient pas tellement familiers jusqu'ici, comme par exemple dans le domaine culturel, et celui du spectacle et des variétés », nous indique Riikka Heikinheimo.
On peut voir un autre signe de l'infléchissement de l'activité de Tekes dans le fait que l'an dernier, plus de 40% des fonds distribués par l'agence ont été affectés au développement d'activités non technologiques.
« Certes, la technologie et les industries traditionnelles gardent une importance pour nous, mais il est souhaitable que d'autres domaines puissent figurer à leurs côtés, d'autant que les contenus créatifs sont appelés à se faire dans l'avenir une place considérable au sein des activités innovantes », précise Heikinheimo.
« Les contenus créatifs ne permettent pas seulement de monter une activité économique qui en est à ses débuts, mais aussi d'influer de façon décisive sur l'activité économique de sociétés ou structures plus anciennes et qui relèvent de domaines plus traditionnels. »
Heikinheimo cite notamment des exemples de développement réussi dans le secteur des jeux, et elle a la certitude que la production de contenus digitaux, de même que les outils de communication à destination de divers services sociaux, sont aussi des domaines d'avenir où la Finlande est en mesure d'affirmer une expertise internationale.
Des mutations qui se font en commençant à partir du « ras des pâquerettes »
« La vocation de Tekes n'est pas d'activer un bouleversement de l'activité des acteurs économiques qui s'adressent à nous, mais d'identifier les possibilités des uns et des autres, et par là de catalyser une mutation dont les prémices étaient déjà préalablement présents. Nous apportons alors des ressources destinées à un travail devant être mené par les acteurs en question eux-mêmes, et qui se base sur leur propre volonté d'évoluer et de se renouveler, ainsi que sur leurs besoins. Vue sous cet angle, l'action de Tekes est alors optimale. Et nous considérons aussi que la mutation de l'acteur économique concerné ne saurait être pérenne que si elle se met en place et se prolonge précisément dans le cadre d'un financement au long cours de notre part. »
Le financement partiel de projets de développement est l'aspect le plus visible de la palette de services qu'offre Tekes; l'objectif de l'agence est d'attirer l'attention de ses clients sur l'importance que pourra avoir l'innovation sur leur croissance économique, de renforcer le savoir-faire des acteurs de tous les secteurs créatifs, ainsi que de soutenir la constitution et le développement de communautés professionnelles; en particulier, Tekes accorde une grande importance au fait que ses clients puissent se constituer en réseaux et développer par ce biais différentes formes de coopération.
Cependant, de nombreux acteurs de la sphère créative voient l'Agence Tekes d'un œil quelque peu dubitatif. Il arrive en effet que les critères de financement de Tekes déroutent les uns ou les autres, et il se peut, à l'occasion, que les deux parties en présence ne se comprennent pas.
« Il s'agit d'une façon différente d'exprimer les choses, c'est-à-dire d'un fossé intellectuel assez classique; mais en réalité, c'est bel et bien au même but que nous tendons avec ceux qui s'adressent à nous », précise Heikinheimo.
« L'action de Tekes est certes exposée à la critique, et du reste, il est dans l'ordre des choses de critiquer. C'est précisément la critique qui va nous aider à identifier d'éventuels points faibles de notre démarche, et à y remédier. En même temps, nous appelons de nos vœux une discussion ouverte, et nous voudrions que l'occasion nous soit donnée de répondre aux propositions qui peuvent être exprimées par les uns ou les autres quant au développement de notre rôle. C'est pourquoi nous considérons comme important de pouvoir nous asseoir autour d'une table commune avec toujours plus de représentants des secteurs économiques créatifs que cela n'a été le cas jusqu'à présent. »
La volonté de développement, facteur primordial
On assiste actuellement en Finlande à un vaste débat public sur le sujet du financement des secteurs créatifs, et nombreux sont ceux qui nourrissent des attentes pressantes quant au rôle croissant qu'aura à jouer Tekes en la matière. Cependant, il y a lieu de rappeler aux nouveaux clients de l'agence que les financements éventuellement accordés par celle-ci sont toujours destinés précisément au développement de la croissance économique.
« Par exemple, les activités culturelles sont fortement dépendantes d'une certaine pratique de l'aide publique; de ce fait, un certain nombre d'acteurs de ce domaine se font fait une fausse image des financements accordés par Tekes. Nous insistons bien sur le fait que nous finançons des structures ou sociétés nouvelles essentiellement dans un sens de favoriser leur développement économique. Par exemple, à nos yeux, le théâtre est typiquement une activité d'exploitation comme une autre, et à ce titre il ne nous est pas possible de lui accorder des financements. Cela dit, si la production envisagée prévoit de développer par exemple des réseaux de coopération, ce qui donnerait lieu à un nouveau modèle de fonctionnement susceptible d'être repris au niveau de productions à venir, alors en ce cas il se pourrait que nous soyons amenés à participer au projet en le finançant en partie », énonce Riikka Heikinheimo.
Tekes a accordé un financement notamment au danseur et chorégraphe Tero Saarinen, ainsi qu'à la série télévisée finlandaise « The Dudesons », dont les producteurs avaient fait état de leurs besoins de développement à l'international.
« Il faut cependant noter que Tekes n'est aucunement un passage obligé pour qui veut réaliser ses projets de développement, et il existe bel et bien de nombreux exemples de réussites qui n'ont rien à devoir à notre agence; c'est dire que tout le monde n'a pas besoin de Tekes, même si nous sommes bien volontiers disposés à coopérer avec un certain nombre de sociétés ou structures porteuses de projets de développement, et qui pourraient dès lors avoir titre à profiter de nos financements et services. »
Heikinheimo attend beaucoup de l'expertise créative finlandaise
« La dernière récession économique en date n'a pas entraîné le même type de réaction de recroquevillement que la fois précédente; au contraire, on sent dès à présent comme un frémissement présent sous la surface de l'eau. Les Finlandais possèdent une énorme dose d'énergie positive et un important potentiel axé sur la construction de l'avenir; or au sein de toutes ces démarches, il y a une place significative précisément pour le développement des contenus créatifs, en sachant que nous nous trouvons exactement en ce moment à un point où beaucoup de bonnes choses peuvent émerger. C'est aussi la raison pour laquelle j'invite les uns et les autres à laisser de côté les anciens raisonnements, qui consistaient à vouloir compartimenter et opposer les différents secteurs d'activité.»
Le rôle de Tekes (Agence finlandaise pour la technologie et l'innovation) consiste à :
- favoriser les démarches innovantes et projets de recherche et de développement des entreprises, universités, établissements d'enseignement supérieur et instituts de recherche
- proposer des financements, des services de conseil spécialisés et des solutions de constitution de réseaux
Il convient de noter par ailleurs que Tekes traite annuellement les dossiers de près de 3000 entreprises et 50 universités, établissements d'enseignement supérieur et instituts de recherche. Le budget annuel dont dispose Tekes aux fins de financement de projets s'élève à environ 600 millions d'euros.
Texte : Soili Helminen
Photos : Susanna Lehto