Les femmes et l’avenir de la Libye : le désarmement et le soutien direct à la société civile doivent être placés d’urgence en tête des priorités

« La lutte de la révolution n'est pas encore terminée. La lutte pour la constitution et les institutions démocratiques, avec la pleine participation des femmes et des garanties pour les droits humains des femmes, se poursuit aujourd’hui même. L'encouragement de la communauté internationale et le soutien direct à la société civile sont essentiels pour faire en sorte que la révolution apporte un changement positif aux femmes libyennes », ont déclaré les défenseurs des droits des femmes libyennes réunis à New York le 22 février 2012.

La rencontre co-organisée par la Mission permanente de la Finlande à l’ONU et le Groupe de travail des ONG sur les Femmes, la paix et la sécurité, a été marquée par les interventions d’Amina Mergheibi, présidente de l'Association Attawasul pour la Jeunesse, les Femmes et les enfants de la Libye libre, et d’Alaa Murabit, fondatrice de la Voix des femmes libyennes, lesquelles ont évoqué la situation en Libye et les recommandations des femmes libyennes pour les mois à venir. Cette rencontre anticipait les prochaines discussions du Conseil de sécurité sur le mandat de la Mission d’appui de l'ONU à la Libye, l’UNSMIL, qui doit être renouvelé le 16 mars 2012.

Les premières élections jamais organisées en Libye depuis 1965 doivent se tenir en juin 2012. En dépit du puissant lobbying exercé par les groupes de femmes, la nouvelle loi électorale ne prévoit aucun quota pour les femmes. Cette loi encourage en revanche les partis politiques à inclure les femmes dans les listes électorales. Amina Mergheibi a déclaré qu’elle ne se faisait aucune illusion quant à la facilité du chemin à parcourir avec les incessantes préoccupations relatives à la sécurité et dans une société conservatrice.

On ne compte que deux femmes sur les 24 ministres du gouvernement de Transition. Alaa Murabit a souligné à ce propos l’importance des encouragements de la communauté internationale : le Conseil de sécurité devrait explicitement exiger des mesures qui visent à assurer la participation des femmes, y compris leur accès à l’information, aux médias et à la campagne électorale. Cela est indispensable si l’on veut combattre l’image négative, qui remonte à l’ère Kadhafi, de la participation des femmes à la vie politique.

Adurrahman Mohamed Shalgham, Alaa Murabit, Amina Megheirbi, Liesl Gernholz et Jarmo Viinanen. Adurrahman Mohamed Shalgham, Alaa Murabit, Amina Megheirbi, Liesl Gernholz et Jarmo Viinanen.

Mergheibi et Murabit ont fait du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (DDR) des milices la pierre de touche d’un processus démocratique crédible et inclusif. Elles ont toutefois précisé que le DDR ne pourra pas être réalisé tant qu’il n'y aura pas d’armée nationale à même d’apporter la sécurité et de gouvernement jouissant d’une autorité qui s’étend à toutes les parties du pays. Dans la plupart des régions du pays, l’insécurité reste un obstacle au mouvement des femmes. A titre d’exemple, Murabit a raconté qu’elle rentrait toujours chez elle avant la tombée de la nuit, et qu’il est souvent trop dangereux pour les femmes de prendre le volant dans un pays où les points de contrôle sont fréquents et où la plupart des gens portent une arme.

La reconstruction des institutions politiques et judiciaires est une priorité urgente. Mergheibi a mentionné que ce chantier pouvait être aussi appréhendé comme l’occasion de reconstruire en mieux. Le processus de justice transitionnelle et de réconciliation doit aller de l’avant si l’on veut surmonter les antagonismes attisés par le régime de Kadhafi entre les régions et les villes. La société civile et notamment les groupes de femmes pourraient jouer un rôle de passerelle dans l’apaisement des relations entre les tribus et les diverses régions géographiques, mais celles-là doivent voir leurs capacités renforcées après 42 années passées sans démocratie et possibilité de véritable participation.

Murabit a demandé à la communauté internationale de porter son attention à la violence sexuelle et fondée sur le genre et à l’autonomisation économique des femmes. L’intérêt des médias pour les viols commis pendant le conflit actif a ouvert un espace de discussion sur la violence subie par les femmes. Cet espace est toutefois en train de se refermer, dans la mesure où la stigmatisation sociale encourue par la déclaration des abus reste puissante et que les familles ne sont guère disposées à déclarer la violence sexuelle et fondée sur le genre. Il n’y a pas de mécanisme de communication, ni de service aux victimes. Comme stratégie à long terme, Murabit plaide en faveur d’un investissement dans l’autonomisation économique des femmes. les femmes doivent pouvoir subvenir à leurs propres besoins pour être vraiment libres et égales. 

Assurer que les travaux par pays du Conseil de sécurité contribuent à la mise en œuvre de la résolution 1325 sur les Femmes, la paix et la sécurité

A l’occasion du 10e anniversaire de la résolution 1325 célébré en octobre 2010, le Groupe de travail des ONG sur les Femmes, la paix et la sécurité a publié une analyse de cette mise en œuvre. L’analyse est univoque : le Conseil de sécurité dispose de toutes les normes et de tous les outils nécessaires à la concrétisation des droits des femmes et de leur participation dans les situations de conflit et de post-conflit. Mais pour ce qui est des travaux par pays du Conseil de sécurité, la mise en œuvre de l’agenda Femmes, paix et sécurité se trouve être beaucoup plus inégale.

La Mission permanente de la Finlande à l’ONU a fait cause commune avec le Groupe de travail des ONG sur les Femmes, la paix et la sécurité pour changer cet état de choses et aider le Conseil de sécurité à faire en sorte que la voix des femmes soit véritablement entendue au moment des débats cruciaux et des décisions importantes. En partenariat, la Finlande et le Groupe de travail des ONG vont faciliter, pendant toute l’année 2012, la venue de défenseurs des droits des femmes au Siège de l’ONU pour faire valoir directement les vues et les recommandations des femmes au Conseil de sécurité, et présenter les délégations et acteurs intéressés avant le renouvellement des mandats et la tenue des plus importantes discussions par pays.

Le Groupe de travail des ONG sur les Femmes, la paix et la sécurité joue un rôle de passerelle entre les défenseurs des droits humains des femmes dans les situations de conflit et les décideurs du Siège de l’ONU. Le Groupe de travail des ONG, composé de 18 organisations non gouvernementales internationales, œuvre à la complète mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité sur les Femmes, la paix et la sécurité et joue un important rôle global dans le suivi des politiques et pratiques.  

 

YK