Le Premier Ministre et le gouvernement finlandais en difficulté

Le Premier Ministre Anneli Jäätteenmäki va devoir d’expliquer sur le débat relatif à l’Irak, débat qui a eu lieu sur fond d’élections parlementaires, en mars dernier. Entre les principales formations du gouvernement, la défiance est de mise. La police enquête sur une fuite de documents émanant du Ministère des Affaires étrangères. Des résultats de l’enquête peut dépendre le sort du gouvernement.

Le nouveau gouvernement conduit par le Premier Ministre Anneli Jäätteenmäki, qui est la présidente du Centre, est confronté à une situation particulièrement épineuse. Sa crédibilité est entamée, la police enquêtant sur l’auteur de la fuite vers la presse de documents secrets de politique étrangère au seuil des élections. Problème plus grave encore, la défiance règne au sein du gouvernement.

Investi le 17 avril dernier, celui-ci réunit le Centre, qui sort de huit années passées dans l’opposition, le Parti Social-Démocrate (SDP), principale formation du gouvernement sortant, et le Parti populaire suédois, qui a presque toujours siégé au gouvernement. L’actuel gouvernement dispose de la majorité à la Chambre, son programme est vaste et les partis de la coalition en place assurent qu’ils souhaitent poursuivre la coopération gouvernementale durant les quatre années suivantes, jusqu’en 2007. Surprise de taille déjà, lors de la nomination du gouvernement, quand on a appris que Paavo Lipponen, le président du SDP et Premier Ministre du gouvernement sortant, ne siègerait pas au gouvernement, mais deviendrait Président (Speaker) de la Chambre. Le doute planait généralement que le nouveau Premier Ministre et le gouvernement n’ont pas la confiance de M. Lipponen.

Durant les deux mois écoulés, il est apparu clairement que la confiance ne règne pas entre le Centre et les Sociaux-Démocrates. Dans quelques déclarations publiques, Lipponen s’est montré critique à l’égard du gouvernement ; plus largement, la défiance règne parmi les Sociaux-Démocrates. Ce constat est apparu lorsque l’institut des sondages Suomen Gallup a mesuré, au début du mois de juin, l’humeur des citoyens quant au Premier Ministre. Plus de la moitié des partisans du SDP ont donné une mauvaise note au nouveau Premier Ministre. Par contre, les partisans du Centre ont, presque tous, donné à Mme Jäätteenmäki une bonne appréciation.



Les événements qui ont marquèrent la campagne électorale jouent encore

Les relations entre les principales formations de l’actuelle coalition gouvernementale ont été endommagées à la veille des élections parlementaires, lors du débat relatif à l’attitude de la Finlande face à la guerre en Irak et au rôle des Etats-Unis dans celle-ci. Alors chef de l’opposition, Anneli Jäätteenmäki avait soulevé, en décembre dernier, la question des entretiens à Washington entre le Premier Ministre Paavo Lipponen et le président George W.Bush.

Jäätteenmäki a posé la question: les Etats-Unis ont-ils une vue juste de la ligne de conduite de la Finlande. Selon Jäätteenmäki, les Américains considéraient que la Finlande pourrait – d’une manière ou d’une autre – faire partie de l’alliance. Rejetant l’assertion avancée par Jäätteenmäki, Lipponen a assuré que la Finlande n’est pas dans l’alliance et qu’aucun message dans ce sens n’a été signifié aux Etats-Unis.

Lors du débat électoral, la politique a été très fortement chargée d’émotion ; la fuite de documents confidentiels, juste avant les élections, n’était pour améliorer les choses, bien au contraire ! Deux quotidiens ont publié, deux jours de suite, des documents confidentiels du Ministère des Affaires étrangères. Entre autres, un mémorandum relatif à la rencontre entre Lipponen et Bush et certains documents élaborés à l’ambassade de Finlande à Washington ont été rendus publics.

Les documents rendus publics confortaient les doutes de Jäätteenmäki
- ou, du moins, les actualités les concernant ont-elles généré l’incertitude quant à Lipponen et au gouvernement, au début du mois de mars, alors que la campagne électorale était en phase finale. Par ailleurs, on attendait l’offensive de l’alliance en Irak, conduite par les Etats-Unis.

Lipponen et les autres Sociaux-démocrates se sont indigné des agissements de Jäätteenmäki et de la fuite dont on soupçonne qu’elle a été organisée à son instigation ou à l’initiative de milieux qui lui sont proches. Ces assertions ont été réfutées.

Le débat sur l’Irak a continué d’affecter les relations entre le SDP et le Centre, et les choses n’ont pas été clarifiées après les élections. Pourtant, ces partis ont formé ensemble un gouvernement sous la conduite de Jäätteenmäki.

Après les élections, la police a annoncé qu’elle ouvrait une enquête afin d’établir ce qu’il en est de la fuite des documents du Ministère des Affaires étrangères. Raison invoquée : s’il l’auteur de la fuite est un fonctionnaire, il s’est rendu coupable de forfaiture.

Jäätteenmäki a été entendue par la police en qualité de témoin

Au début du mois de juin, les choses ont pris une nouvelle tournure à la suite d’une nouvelle fuite dans la presse. Il s’agit cette fois d’un document interne au parti du Centre ; selon l’actualité qui en a été tirée, Jäätteenmäki aurait dit, au sein de son parti, détenir des documents de politique étrangère.

Jäätteenmäki a du faire face à une sérieuse pression face à l’opinion. Elle a notamment été accusée de mentir et de dissimuler les faits. Dimanche 15 juin, la police annonce avoir entendu une personne soupçonnée d’avoir communiqué des documents à des tiers. Le nom de la personne ou sa position ne sont pas divulgués.

Le débat relatif à la fuite relative à l’Irak a pratiquement marginalisé tout le reste du débat politique en Finlande. Celui-ci s’est attaché essentiellement à la personne du Premier Ministre Jäätteenmäki et à sa manière de faire en politique. Jäätteenmäki n’a pas très bien pu se défendre, car la police lui a demandé de garder le silence aussi longtemps que l’enquête sur la fuite des documents du Ministère des Affaires étrangères est en cours. En public, Jäätteenmäki a nié connaître l’identité de son auteur.

Il se peut que l’enquête dure encore plusieurs semaines voire plusieurs mois. S’il devait en résulter une action en justice, on discutera de la question pendant plusieurs mois, peut-être même des années.
























Halonen a exprimé le souhait que la confiance soit rétablie

La Présidente de la République Tarja Halonen s’est mêlé au débat, ce vendredi 13 juin. La Présidente a exprimé le souhait que la fuite soit rapidement tirée au clair et que la confiance soit rétablie entre les acteurs politiques pour que les affaires communes puissent être dûment gérées.

"A l’heure actuelle, bon nombre de personnalités politiques ont peur de dire quoi que ce soit. Elles se montrent très prudentes,” a déclaré Mme Halonen tout en souhaitant que le maintien de l’unité en politique étrangère. « Les questions de politique étrangère sont de la politique, comme toutes les autres questions, mais dans leur cas il faut être prudent», a dit la Présidente.

Difficile de dire, pour l’instant, si le vœu de la Présidente Halonen va se réaliser. Cela dépendra de deux choses : 1) que révélera l’enquête policière à propos de la fuite des documents du Ministère des Affaires étrangères ? 2) les principales formations de la coalition gouvernementale sauront-elles résoudre le différend qui les a opposés au seuil des élections.

La confiance entre le SDP et le Centre ne se rétablira probablement pas avant que soient rendus publics les résultats de l’enquête policière. Le retour de la confiance dépend avant tout des Sociaux-démocrates ; et dans les rangs du SDP on veut d’abord savoir si Jäätteenmäki a, oui ou non, contribué à la fuite.

Quels effets ?

Le débat sur la fuite a d’hors et déjà affecté sérieusement le nouveau gouvernement et surtout le Premier Ministre Jäätteenmäki et entamé ses possibilités de réussir dans sa tâche. La situation est très particulière car, dans de nombreux autres domaines, par exemple aux chapitres de la politique économique et de la politique étrangère, la coopération au sein du gouvernement a bien démarré sans qu’il y ait de contradictions majeures entre les partis de la coalition.

La Chambre part en congé d’été le 18 juin et ne se réunira pas avant le 2 septembre prochain. C’est donc très troublés que les députés partent donc en congé d’été ; certains d’entre eux pensent même que la Chambre devra se réunir, avant l’automne, en session extraordinaire pour examiner la question gouvernementale.