Sans enthousiasme, la Finlande rejoint néanmoins la Force de l’Otan

La Finlande est prête à contribuer à la Force de réaction rapide de l’Otan (NRF) mais uniquement avec un rôle d’appoint. Le compromis, difficilement acquis, a finalement été obtenu après de longues hésitations, juste à temps avant le Sommet de Bucarest de l’Otan, écrit Kyösti Karvonen, rédacteur en chef du journal Kaleva.

Si les Finlandais ne connaissaient pas, jusque-là, le sens de l’acronyme NRF, ils devraient désormais savoir à quoi s’en tenir. Durant ces dernières semaines, la Force de réaction rapide de l’Otan a échauffé le débat politique en Finlande – si l’on exclut, bien entendu, la vie privée du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères.

Dans ce pays non-aligné sur le plan militaire, avec les épisodes traumatisants de la seconde guerre mondiale et une tradition bien ancrée de ne s’occuper que de ses propres affaires, les décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité tendent à être laborieuses et prennent du temps.

La question de la NRF n’a pas fait exception à la règle. Au début du mois de mars, la Finlande s’est néanmoins décidée en donnant le feu vert à sa participation à la NRF. La Finlande est prête, du moins pour l’instant, à apporter uniquement sa contribution à des activités complémentaires à la NRF mais pas à la rotation proprement dite, c’est à dire à l’engagement de troupes sur pied d’intervention, prête à être déployées pour intervenir rapidement sur les points chauds ou en cas de catastrophes naturelles dans le monde.

Ouverture de nouvelles pages pour la Finlande

Pour tout observateur ailleurs qu’en Finlande, le pas franchi n’est pas bien grand. Mais pour certains, dans ce pays, c’est tout le contraire. Et pour reprendre le dicton – le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide? Tout dépend de la façon dont vous mesurez.

Quoi qu’il en soit, la décision relative à la NRF ouvre une nouvelle page dans l’histoire de la participation de la Finlande aux activités de maintien de la paix – une histoire qui a plus de 50 ans. Le pays, qui a même été qualifié de superpuissance du maintien de la paix, est aussi engagé activement dans le programme de Partenariat pour la paix de l’Otan et dans les troupes de l’UE.

La décision laconique – elle tient en deux paragraphes – prise par la Présidente de la République et par le comité ministériel de politique étrangère et de sécurité est un compromis qui a été âprement disputé. On pouvait le voir aux mines allongées et à travers les déclarations sibyllines des plus hauts décideurs, au sortir de la session à huis clos d’un des organes les plus secrets de la vie politique finlandaise.

Les hauts dirigeants de l’État ont clairement indiqué que cette décision ne change pas la politique de la Finlande relative à l’Otan.

Avant la Suède

En politique, le bon timing est parfois plus important que la décision proprement dite. Dans le cas finlandais, ce timing est frappant, pour deux raisons.

En premier lieu, la Finlande a pris sa décision avant le prochain sommet de l’Otan, prévu à Bucarest au début avril. Tout atermoiement prolongé aurait fait mauvaise impression car la Finlande, conjointement avec sa voisine occidentale, la Suède, avait informé l’Otan dès avril dernier qu’elle envisagerait, de façon positive, de participer à la NRF. En outre, la Finlande avait décidé, en fin 2006, de prendre part à des manœuvres de la NRF.

La Finlande et la Suède ont pris la décision initiale juste avant les élections parlementaires de mars 2007. Prise en secret, cette décision, n’avait été rendue publique qu’après les élections. Le style ultra-secret en dit long sur le climat qui règne en Finlande lorsqu’il est question de l’Otan.

En second lieu, la Finlande a donné son feu vert avant la Suède. Ces dernières années, les deux voisins ont étroitement coordonné leurs politiques relatives à l’Alliance Atlantique. Bien que militairement non-alignés, ils se sont retenus de franchir le pas définitif d’une adhésion à celle-ci. Depuis des années, en dépit de positions très similaires, la discussion sur le pour et le contre d’une telle adhésion était vive et franche en Finlande.

Récemment, le parti social-démocrate suédois, aujourd’hui dans l’opposition, a annoncé à la surprise générale qu’il élèverait des objections contre la participation du pays à la NRF.

« Il est bon de voir que le terrain politique, en Finlande, n’est pas aussi sensible aux déclarations conjoncturelles de politique étrangère comme c’est, par exemple, le cas chez nos voisins suédois », a déclaré le ministre finlandais des Affaires étrangères, M. Ilkka Kanerva, dans un discours prononcé au parlement, faisant clairement référence à la position des sociaux-démocrates suédois. »

Signes contradictoires

En Finlande, en dépit d’une position formellement unanime, on observe de nombreux signes de divergences dans les rangs du gouvernement – il réunit quatre partis – et même des déchirures entre les principaux partenaires de la coalition et la Présidente de la République, Madame Tarja Halonen.

La constitution finlandaise énonce que le président de la République est en charge de la politique étrangère, mais en collaboration avec le gouvernement. Madame Halonen, qui exerce les fonctions de chef de l’État depuis 2000 et dont le second mandat expire en 2012, a adopté, dès le début, une position plus ou moins réservée sur toutes les questions touchant à l’Otan.

La NRF n’a pas fait exception. Dès novembre 2006, Madame Halonen s’est empressée de rendre publiques ses réserves. Et cette fois-ci, la veille du jour où la décision a été prise, la Présidente de la République marquait publiquement ses préoccupations, s’interrogeant si la Finlande pouvait se permettre de participer à la NRF.

Avec le recul, il semble que Madame Halonen avait négocié avec le Parti du Centre et avec le Parti de Rassemblement, conservateur modéré, principaux partenaires de la coalition gouvernementale. Ceux-ci étaient clairement plus désireux d’aller un pas plu loin et même d’impliquer directement la Finlande dans la rotation de la NRF.

Il apparaît que ces deux partis avaient évoqué la rotation dans le projet de décision. Dans une interview à la radio, le chef de file sortant du Parti social-démocrate, M. Eero Heinäluoma, a révélé, que la rotation figurait dans le projet la veille du jour où le compromis a été forgé. Tout bien compté, il semble que la Présidente Halonen ait, plus ou moins, fait cavalier seul.

En coulisse, le schisme relatif à la NRF est un symptôme d’un plus large désaccord entre la Présidente et les principales formations de la coalition sur une éventuelle nouvelle réduction des pouvoirs présidentiels dans la prochaine révision de la constitution. Le Parti du Centre et le Parti de Rassemblement sont prêts à infléchir ces pouvoirs dans le cadre d’un processus qui devrait démarrer l’automne prochain. Madame Halonen n’est pas d’accord. Il est intéressant de noter, par ailleurs, que M. Paavo Lipponen, l’ancien chef de file du Parti social-démocrate, des rangs duquel Madame Halonen est issue, s’est rangé du côté de ceux qui sont favorables à une réduction des pouvoirs présidentiels. En bref, il écrivait dans l’hebdomadaire Suomen Kuvalehti que le Président de la République devrait être plutôt un leader d’opinion et que la politique étrangère devrait être de la compétence du gouvernement.

La différence politique est également apparue clairement lors du débat parlementaire. Le Premier ministre, M. Matti Vanhanen, avait laissé entendre que la décision relative à la rotation, pourrait être modifiée par la suite. M. Markku Laukkanen, le vice-président de la commission des Affaires étrangères s’interrogeait sur la question de savoir si la Finlande devait ou non accepter de participer à des manœuvres et à séminaires de la NRF.


Kyösti Karvonen
Rédacteur en chef
Kaleva